L’essor des Big Tech a été l’une des évolutions les plus marquantes de la dernière décennie. Les géants de la Tech, dont Google, Apple, Amazon et Meta, ont changé la façon dont les gens recherchent des informations, communiquent entre eux et achètent des produits en ligne. Il n’est donc pas surprenant qu’ils s’intéressent aux services financiers…
Les Big Tech perturbent déjà la manière dont les consommateurs gèrent leurs finances. Grâce à une technologie fondée sur l’usage des plateformes, les géants de la tech révolutionnent notamment les paiements, la gestion de l’argent, l’assurance, le prêt et l’épargne.
Selon le rapport WorldPay FIS 2023 Global Payments Report, les portefeuilles numériques sont, en effet, devenus la principale méthode de paiement au niveau mondial. Et ce, tant dans le commerce électronique qu’en points de vente.
Le rapport ajoute que les sociétés chinoises Alipay, PayPal, Google Pay et Apple Pay représentent 49 % des ventes mondiales de commerce électronique et 32 % des ventes en boutique. Soit 18 000 milliards de dollars de dépenses de consommation. La Chine est depuis longtemps le leader mondial de l’adoption des portefeuilles numériques grâce à la domination d’Alipay et de WeChat Pay.
Le rapport indique également que PayPal est désormais le premier portefeuille numérique dans des pays européens tels que la Belgique, la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et le Royaume-Uni. La fintech détient une part importante dans de nombreux autres marchés européens. Le rapport ajoute qu’Apple Pay, Google Pay et Amazon Pay sont également populaires en Europe.
“Alors que l’APAC reste une exception avec la majorité écrasante des parts de portefeuille, les portefeuilles numériques sont maintenant la principale méthode de paiement e-com en Europe (ayant pris la tête en 2021) et en Amérique du Nord (où les portefeuilles ont dépassé les cartes de crédit pour le statut de leader en 2022)”, indique le rapport de WorldPay FIS.
Toutefois, les banques européennes proposent également à leurs clients des moyens innovants pour gérer leurs paiements en ligne sans portefeuille numérique. Aux Pays-Bas, par exemple, le système de paiement en ligne iDEAL permet aux consommateurs de régler leurs achats en ligne en toute sécurité par l’intermédiaire de leur banque.
Pourquoi les grandes entreprises technologiques s’intéressent-elles aux services financiers ?
Mais pourquoi les grandes entreprises technologiques voudraient-elles s’impliquer dans un secteur dominé par les banques traditionnelles, les sociétés de services financiers et par les banques numériques agiles ?
Les Big Tech ont l’avantage d’avoir accès à pléthore de données précieuses de première main. Ces données peuvent leur permettre d’améliorer leurs résultats dans un secteur qui pèse des milliers de milliards de dollars.
Ces données de première main sont les informations que les géants de la Tech collectent auprès de leurs clients. Elles donnent des informations détaillées sur :
- Les transactions par carte de crédit,
- Les habitudes d’achat en ligne,
- La géolocalisation,
- Les informations de paiement,
- L’activité en ligne.
En comparaison, les données des clients bancaires recensent :
- Les scores de crédit,
- Les revenus,
- Les dépenses,
- Les historiques de remboursement,
- Les données de seconde partie – par exemple, les informations qu’elles recueillent à partir de l’utilisation par les clients d’autres services, comme l’utilisation de l’application d’une banque pour payer un Uber.
Les consommateurs sont également plus enclins à partager leurs données avec des entreprises en qui ils ont confiance. Selon une enquête récente, près de la moitié des Américains seraient prêts à partager leurs informations personnelles, y compris les numéros de cartes de crédit et de débit, si elles étaient sécurisées.
Quelles sont les principales entreprises Tech à déjà proposer des services financiers ?
Lancé en 2011, Google Pay permet aux utilisateurs de régler leurs achats en caisse au moyen de leur téléphone.
Apple Pay est un système similaire. Il permet aux utilisateurs de dépenser de l’argent via leurs iPhones ou iPads et de recevoir des points de récompense pour les achats effectués dans l’iTunes Store, tels que les applications et les films.
Toutefois, le fabricant de l’iPhone a pris de l’avance sur ses rivaux. Apple donne désormais du fil à retordre aux banques aux États-Unis après avoir annoncé en mars le lancement d’Apple Pay Later : un service qui repose sur le modèle “achetez maintenant, payez plus tard”. Apple a également annoncé le mois dernier la création d’un compte d’épargne à taux d’intérêt élevé pour les épargnants américains, en partenariat avec la banque d’investissement Goldman Sachs.
Les nouveaux services sont gérés par Apple Card. La société a également créé une nouvelle filiale, Apple Financing, chargée de superviser les évaluations de crédit et les prêts.
Amazon propose également une carte de crédit permettant aux clients américains qui font des achats dans le cadre de son programme d’adhésion Amazon Prime de gagner des points qui leur permettront d’obtenir des produits gratuits ou des réductions dans les magasins Whole Foods Market ou dans un magasin Amazon Go.
Les banques perdent-elles du terrain ?
Les banques traditionnelles perdent du terrain face aux grandes entreprises technologiques. Ces dernières s’adaptent plus rapidement et utilisent mieux la technologie. Par conséquent, les banques doivent innover davantage et se montrer plus agiles pour rester pertinentes et fidéliser leurs clients. L’impact du passage des Big Tech dans les services financiers est conséquent. Les entreprises de services financiers qui ne s’adaptent pas vont perdre des opportunités commerciales, tandis que celles qui le font prendront l’avantage sur la concurrence en termes d’expérience client, de réduction des coûts et de croissance des revenus.
Les consommateurs veulent une expérience globale et transparente
Cependant, les consommateurs veulent une expérience globale et transparente via leurs smartphones – pour acheter et payer des articles en un seul clic et gérer toutes les facettes de leur argent.
Ils souhaitent également que leurs prestataires de services financiers leur offrent le même niveau de commodité que celui qu’ils attendent des géants de la Tech, telles qu’Amazon, Google et Apple.
Comment les banques et les sociétés de services financiers peuvent-elles exploiter l’écosystème des données ?
Les banques et les sociétés de services financiers souhaitent également rejoindre l’écosystème des données de consommation des Big Tech. Le but étant de mieux comprendre leurs clients et de leur proposer des produits plus personnalisés.
Pour ce faire, les géants de la Tech doivent avoir accès à des données provenant d’autres sources que les leurs. En ce sens, ils peuvent par exemple :
- Établir des partenariats avec des fintechs tierces pour exploiter la finance intégrée.
- Moderniser leurs systèmes bancaires de base afin d’offrir des expériences numériques transparentes sur tous les appareils.
Cela pourrait les aider à concurrencer les Big Tech en proposant, par exemple, des prêts fondés sur le comportement des consommateurs plutôt que sur les scores de crédit ou les relevés bancaires.
Qu’en est-il des réglementations ?
Le Fonds monétaire international a averti que l’expansion rapide et significative des Big Tech dans les services financiers et leur interconnexion avec les entreprises de services financiers créent potentiellement de nouveaux canaux de risques systémiques. Il recommande toutefois l’élaboration de nouvelles réglementations – ou la mise à jour des réglementations existantes – afin de créer des conditions de concurrence équitables et de compenser tout risque pour la stabilité financière.
“Une prise en compte attentive des effets à plus long terme est nécessaire pour élaborer de nouvelles réglementations, ou ajuster les réglementations existantes, afin d’offrir des conditions de concurrence équitables aux opérateurs historiques, aux start-ups fintech et aux Big Tech, tout en atténuant les risques pour la stabilité financière, l’intégrité des marchés et la protection des consommateurs”, indique le FMI dans un rapport publié en 2022.
“Pour parvenir à une mise en œuvre efficace et à des objectifs multiples de la réglementation et de la supervision financières, une approche hybride, combinant un mélange d’approches fondées sur les entités et sur les activités, est nécessaire.”
Que nous réserve l’avenir ?
Les Big Tech sont soutenues par des fonds et des ressources considérables. Cela pourrait leur donner un avantage sur les banques traditionnelles dans l’acquisition de nouveaux clients et la création de nouveaux produits.
Ces entreprises ont également investi dans l’intelligence artificielle, l’apprentissage automatique, la technologie blockchain, les startups fintech et d’autres domaines qui pourraient les aider à gagner des parts de marché sur les banques et les autres sociétés de services financiers – et il semble que bon nombre de ces investissements portent déjà leurs fruits.
Les banques doivent faire preuve d’audace en matière d’innovation. Sinon, elles risquent de perdre des clients précieux. Ceux-ci pourraient décider qu’ils préfèrent utiliser les différents services offerts par les Big Tech plutôt que par les institutions financières traditionnelles.
Pour surmonter ces défis, les banques traditionnelles et les sociétés de services financiers devraient envisager des initiatives innovantes telles que :
- Une expérience utilisateur transparente offrant une personnalisation à l’échelle,
- Des capacités de prise de décision en temps réel,
- Des processus automatisés,
- L’intégration avec des fintechs tierces pour les aider à gérer leurs finances auprès de plusieurs fournisseurs.
Les géants de la Tech ont déjà prouvé leur capacité à perturber des secteurs tels que la vente au détail et les voyages. Maintenant qu’elles s’installent dans le secteur des services financiers, les banques doivent agir rapidement pour rester pertinentes dans le monde d’aujourd’hui.
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