Si les réglementations de l’Open Banking mises en place en Europe et dans de nombreux pays du monde ont participé à la transformation digitale du secteur bancaire, la crise sanitaire a été un formidable démonstrateur des nouveaux usages, facilités par celles-ci. La gestion unifiée de comptes bancaires de plusieurs établissements, les paiements, l’éligibilité au crédit ou encore la souscription simplifiée et plus sûre à des produits et services, ne sont qu’un échantillon des changements récents opérés.
Néanmoins, de nouveaux termes comme « Open Finance » ou « Embedded Finance » ont également fait leur apparition. La question qui se pose alors est la suivante : doit-on y voir un coup marketing ou de réelles avancées ?
Open Banking : un déclencheur réglementaire dans les paiements
Le concept de l’Open Banking n’est pas nouveau puisqu’on en parlait déjà il y a une quinzaine d’années avant même que le terme ne soit vraiment défini. En Europe, il a été étroitement lié à la réglementation dans les paiements et associé à la révision de la Directive des Paiements (DSP2). Au-delà, il se conjugue également avec de nombreuses autres initiatives sur le marché européen des paiements, comme par exemple :
A noter également l’étude publiée récemment par le Cabinet Partelya dans lequel Andrea Toucinho analyse la structuration du marché des paiements sous l’impulsion de l’Open Banking.
En imposant l’accès aux données et services de paiements à des tiers, la règlementation bancaire a fait un premier pas vers une approche qui tire parti des technologies pour faciliter l’usage de certains services financiers sans obligatoirement « passer » par sa banque.
Un deuxième pas va également être fait pour que l’ensemble des acteurs s’accordent sur un « scheme » afin que les scénarios d’accès soient homogénéisés en Europe, tant pour les services réglementaires imposés (la DSP2) que pour les services payants à valeur ajoutée que les établissements bancaires pourront proposer. A cet effet, le 13 juillet dernier, l’ERPB a publié le rapport du groupe de travail sur les besoins clés du SEPA API Access Scheme.
Cependant, et comme son nom l’indique, l’Open Banking est centré sur les services bancaires : les autres services financiers comme les produits de placements ou les services d’assurance n’en font donc pas partie. Contrairement à l’Open Finance.
Open Finance : l’évolution naturelle
En septembre 2020, la Commission Européenne a partagé sa vision de la stratégie de la finance digitale en Europe. L’Open Finance y est alors décrite comme l’une des fondations de cette stratégie. A l’instar de l’Open Banking pour les paiements, l’accès aux données et aux services financiers au sens large y est développé avec plusieurs objectifs :
- Assurer aux consommateurs l’accès et le contrôle de l’usage de leur données personnelles ;
- Permettre aux acteurs économiques d’utiliser ces données afin de personnaliser les services aux consommateurs en réponse aux problématiques qu’ils rencontrent ;
- Développer la compétition en permettant aux consommateurs la comparaison des prix des services provenant de différents acteurs.
L’Open Finance ouvre ainsi un champ de tous les possibles aux tiers qui veulent contribuer à améliorer la réponse aux vrais besoins des consommateurs.
Parmi les leaders actuels de l’Open Finance on retrouve le Berlin Group, dont le Framework des APIs a été adopté par plus de 75% des banques en Europe pour implémenter la DSP2. Depuis octobre 2020, le Berlin Group est résolument engagé dans les standards de l’Open Finance dont plusieurs ont déjà été publiés durant les six premiers mois de 2021.
Cependant, l’Open Finance – même si elle couvre l’intégralité des services financiers et pas seulement ceux des banques – reste une vision orientée vers les producteurs de services financiers et non vers les consommateurs de ces derniers qui sont aujourd’hui au cœur de tous les enjeux.
Embedded Finance : le point de vue des consommateurs de l’Open Finance
Au fond, la crise sanitaire l’a démontré et la stratégie de la finance digitale en Europe le rappelle : il faut favoriser la « personnalisation » pour offrir aux clients des offres sur-mesure. La réponse doit donc être orientée client ! Et on revient ainsi aux fondamentaux. Les institutions financières ont été créées pour supporter les acteurs économiques, en offrant notamment des moyens de paiements, des comptes et des services de gestions associés, et en proposant des crédits adaptés aux situations et aux produits de placement.
Ainsi, en partant du point de vue des consommateurs (individus ou entreprises), les chaînes de valeur à mettre en place vont identifier les différents services nécessaires à « enchaîner » ou à orchestrer, dont ceux produits par les acteurs financiers : c’est ce qu’on appelle « l’Embedded Finance ».
Par exemple, afin de mieux traiter l’orientation client des standards, le Berlin Group a été restructuré dès fin 2019 pour mieux fédérer les consommateurs de services financiers (Open Finance Advisory Group) et les producteurs des services financiers (Open Finance Task Force). Les premiers travaillent la demande du marché pour identifier ces chaînes de valeur et les seconds la standardisation de la réponse des établissements financiers.
Les technologies et l’économie digitale réunissent toutefois l’ensemble des acteurs de l’écosystème autour de trois domaines :
- Technologique : ce volet très souvent explicité représente le catalyseur de l’économie digitale ;
- Business : les modèles d’affaires qui sous-tendent les chaînes de valeur entre clients et fournisseurs ne sont plus linéaires et relativement stables mais multipartites et évolutives ;
- Sociétal : la qualité des services offerts sont basés sur les informations personnelles des individus et des entreprises. Un équilibre doit donc être trouvé et ajusté régulièrement entre le respect de la vie privée et l’attente de personnalisation des services proposés.
Les régulateurs du monde entier s’intéressent particulièrement aux deux derniers points pour garantir l’application des règles de la concurrence, la protection de la vie privée ou encore le respect des réglementations en place.
Le défi aujourd’hui réside donc dans l’approche holistique qu’il convient d’adopter, en tenant compte de la complexité que cela représente au vu de la multiplicité des acteurs. La fédération entre ces derniers est par conséquent essentielle. C’est par exemple le rôle que Finance Innovation, pôle de compétitivité mondial, a choisi de jouer, en stimulant l’innovation en France tout en la faisant rayonner à l’international, et en constituant un forum d’accueil naturel d’une approche conjuguée et coopérative de l’ensemble des acteurs de l’écosystème.