Ces dix dernières années, les néobanques – ces nouveaux acteurs numériques – ont pris de l’ampleur et ont transformé le secteur bancaire contemporain grâce à la technologie. Bien que certains des premiers observateurs aient pu s’interroger sur la capacité de ces nouveaux arrivants à rivaliser avec les banques traditionnelles, leur scepticisme a depuis été largement dissipé. En effet d’après les prévisions, le secteur des néobanques devrait parvenir à un taux de croissance annuel composé (CAGR) de 48,1 % entre 2020 et 2027.
Étant donné cette explosion, tout laisse à penser que les néobanques ont trouvé le moyen de tirer parti des effets de la crise sanitaire, surtout si l’on prend en considération les conséquences négatives que le coronavirus a eues sur les banques de détail traditionnelles.
La vérité est toutefois plus nuancée. Certes, les success stories de néobanques sont nombreuses (y compris la façon dont certaines ont exploité leurs connaissances du numérique pour se surpasser malgré les circonstances liées au confinement). Pourtant, certains signes semblent annoncer des périodes de plus en plus difficiles.
Écosystème d’investissement
Malgré l’incertitude économique qui règne actuellement, il s’est produit une vague de lancements de néobanques, alimentée par le capital-risque. De manière évidente, nombreux sont les investisseurs qui sont encore prêts à parier sur l’avenir des néobanques, même dans les circonstances actuelles.
La plupart des offres de ces start-ups se distinguent aisément : compte sans frais, accès anticipé aux salaires, outils automatisés d’épargne et d’amélioration de la notation de crédit. Toutefois, beaucoup d’entre elles veulent se distinguer en s’adressant à une clientèle de niche. Elles tentent de créer un nouveau style de banque communautaire, fondé sur leurs affinités plutôt que sur leur emplacement géographique.
Le nombre croissant de fintechs prouve que les néobanques sont encore vivantes, mais cela ne signifie pas nécessairement qu’elles sont en bonne santé. Certains de ces nouveaux acteurs concurrentiels risquent fort de mourir dans l’oeuf. Une spécialisation ne garantit pas qu’une banque survivra. En revanche, les dynamiques d’investissement signalent tout de même que les investisseurs ont confiance dans la capacité des néobanques à réussir sur le long terme.
La pandémie comme accélérateur
En outre, nous pouvons souligner des exemples de néobanques d’ores et déjà bien établies ayant enregistré des performances record durant la pandémie. Selon une étude, plus de 12 millions de consommateurs américains ont désormais recours aux services bancaires exclusivement en ligne de Chime. En 2020, les fonctionnalités de Chime ont été extrêmement populaires : réception anticipée des salaires, des chèques de relance et facilité de découvert sans frais. Les fintechs spécialisées dans le e-commerce ressortent également comme de grandes gagnantes de cette crise, comme Checkout.com par exemple qui est récemment devenue la licorne n°1 en Europe après que sa valorisation a été multipliée par trois.
Pour certaines personnes (surtout les plus jeunes générations), recevoir une meilleure offre de la part d’une néobanque vaut bien de faire quelques efforts et d’accepter l’incertitude liée au changement de banque. Un article récemment publié par Forbes a mis des chiffres sur cette tendance : « en janvier 2020, seulement 4 % des Américains appartenant aux générations Z et Y envisageaient de souscrire à un compte courant auprès d’une néobanque et d’en faire leur compte principal. En décembre 2020, ce chiffre était passé à 15 %. » C’est remarquable parce que de nombreuses années durant, les néobanques étaient perçues comme des comptes secondaires ou additionnels. Ils étaient amusants à utiliser le weekend avec une petite somme d’argent, mais pas suffisamment dignes de confiance pour y déposer sa source de revenus principale.
La pandémie a entraîné l’apparition de nouvelles exigences quant au numérique et celles-ci ont clairement joué en faveur de nombreuses néobanques qui bénéficient d’une nouvelle vague de clients en recherche de produits et services financiers innovants.
Ralentissement économique
Malgré cela, de nombreuses néobanques n’ont pas été en mesure d’éviter la conjoncture économique. L’économie mondiale devrait se contracter de 4,4 % cette année, un chiffre inédit depuis les années 1930. Beaucoup de pays ont vu leur taux de chômage à long terme s’envoler et la population craint pour ses finances, ce qui engendre une augmentation des comportements d’aversion au risque. Cette tendance a provoqué un ralentissement du taux de croissance de certaines néobanques. Celles qui ont le plus souffert semblent être celles qui ciblent les consommateurs. En effet, les projets de lancements de produits avortés et les baisses de revenus ont été monnaie courante en 2020. Monzo a même été contrainte de procéder à de nombreux licenciements par exemple.
Le problème réside dans le positionnement inadapté du business model de certaines fintechs pour faire face à une telle crise. Par exemple, des entreprises comme Starling et Revolut s’appuient sur les transactions par carte pour générer des revenus. Le confinement à l’échelle mondiale a provoqué un arrêt brutal des nombreux cas d’usage des cartes de paiement (p. ex. dîners à l’extérieur, voyages), ce qui a à son tour affecté le dynamisme de ces entreprises.
Problème de confiance
En parallèle, les néobanques dans leur ensemble tentent toujours de surmonter un problème apparent de confiance. D’après la sagesse populaire, les grandes banques sont trop importantes pour faire faillite, alors les clients se sentent à l’abri avec elles.
En effet, de récents rapports britanniques montrent par exemple que les banques traditionnelles sont utilisées dans 4 transactions d’achat sur 5. Selon ce même rapport, au début du confinement, le recours aux néobanques a chuté « d’environ 90 %, contre une baisse de 60 % seulement pour les banques traditionnelles. » Avec cette crise, les gens se mettent à l’abri et ont recours à leurs comptes existants plutôt que d’essayer de nouveaux services.
Même en période de calme, les consommateurs se montrent quelque peu réticents à changer de banques. Alors, comme l’illustre une étude, ils sont encore moins prêts à le faire durant une pandémie. Concernant leur argent, les clients recherchent la sûreté, la prédictibilité et la sécurité et pour l’instant, beaucoup d’entre eux trouvent ces éléments chez les banques traditionnelles.
Regard sur l’avenir
Avec la pandémie, le nombre de personnes ayant été contraintes de commencer à avoir recours à leur application de banque en ligne a été plus important que jamais. L’an dernier, ces clients se sont habitués à l’aspect pratique de la banque en ligne et il est fort peu probable qu’ils fassent marche arrière. Il y a donc sans doute de quoi être optimiste pour l’avenir des néobanques, mais si la pandémie nous a appris au moins une chose, c’est qu’il n’y a aucune garantie.
L’an dernier, le sort des néobanques a été très contrasté, selon des variables comme la géographie, le positionnement et l’orientation client. À l’avenir, certaines parieront tout sur ce qui marche. D’autres peineront pour s’adapter, gagner la confiance des clients et trouver de nouvelles sources de revenus.
Nous constatons dorénavant de manière très claire que la période actuelle est un moment charnière à la fois pour les institutions traditionnelles et pour les nouveaux acteurs de la fintech. Le rythme de l’innovation est de plus en plus soutenu et davantage de concurrents non traditionnels entrent dans l’arène. La prochaine décennie sera le théâtre de batailles d’efficiences en termes d’acquisition client et de part de marché, et de grands gagnants émergent déjà, tant chez les néobanques que chez les établissements historiques ; ce qui représente une pression supplémentaire sur le champ de bataille où le nombre d’acteurs est déjà très élevé.