Les mesures d’urgence mises en place par le gouvernement en mars dernier n’ont pas anticipé le second confinement et la deuxième vague de covid-19. Alors que de nombreuses PME voient à nouveau s’écrouler leur chiffre d’affaires, les acteurs du système bancaire doivent anticiper et flexibiliser les processus de remboursements, prévus pour le printemps 2021.
Pour les établissements de crédits et les banques, le rétablissement de l’état d’urgence sanitaire depuis le 17 octobre promet de complexifier la gestion de dossiers déjà techniques et lourds. Avant d’appréhender l’étendue des adaptations à réaliser, de nombreuses banques ont tenté de mettre en place une task force interne (parfois renforcée) dont l’objectif était de répondre à ce défi rapidement, avec des solutions transitoires. Avec le recul, alors que certains pensaient simplement faire appel à une main d’œuvre supplémentaire pour traiter ces cas particuliers, il apparaît que c’est tout le système qui doit être retravaillé afin de prendre en compte les besoins des entreprises en grande difficulté. En ligne de mire : les prêts garantis par l’Etat, ou PGE.
Au premier trimestre 2020, le gouvernement français débloquait une enveloppe de 300 milliards d’euros pour soutenir l’économie, sous forme de prêts de trésorerie. Afin d’aider les entreprises à honorer leurs charges (loyers, salaires) malgré un chiffre d’affaire réduit ou nul, l’Etat a proposé de se porter garant de ces prêts à hauteur de 70 à 90 %. Simple et efficace, le dispositif a été principalement utilisé par les PME, et pour l’heure, 123 milliards d’euros de prêts ont déjà été distribués – 89% des bénéficiaires sont d’ailleurs des structures de moins de 10 salariés.
En théorie, les entreprises doivent bénéficier d’une année de prorogation, avant de de choisir entre le remboursement total du prêt ou le passage en amortissement sur un à cinq ans, avec des taux inférieurs à 2.5%. Or, ce dispositif initial va devoir subir des aménagements pour répondre à l’évolution de la crise en France.
Une situation de plus en plus complexe
Non seulement l’accès aux PGE a été prolongé (ces prêts seront désormais accessibles jusqu’au 30 juin 2021), mais les acteurs du secteur réclament d’autres amendements et souhaitent une approche au cas par cas. Certaines entreprises, parmi les plus petites ou dans les secteurs les plus touchés, pourraient ne rembourser que la partie non-garantie par l’Etat, soit 10 à 30%. D’autres pistes de réflexion portent sur un « prêt de consolidation » qui rassemblerait toutes les sommes dues et s’étalerait sur plus de cinq ans. Car certains voient dans le PGE un dispositif « trop court » et impossible à rembourser après le second confinement. De leur côté, les banques appellent à davantage de souplesse mais souhaitent conserver la fameuse garantie de l’Etat.
La date d’entrée dans la phase de remboursement est encore en négociation : le gouvernement souhaite la reculer d’une année pour offrir un nouveau « bol d’air » aux entreprises, et plus particulièrement celles directement confrontées aux conséquences des confinements en terme d’activité. Pour cette seconde phase, les banques devront à nouveau produire un reporting à destination de la BPI. Cela nécessite de collecter et de centraliser les informations nécessaires à la déclaration, de produire les flux de déclaration afin que la BPI contrôle l’éligibilité des dossiers, et enfin d’être opérationnel pour le suivi du traitement des dossiers.
Les modalités de déclaration ont été fixées au troisième trimestre 2020 et risquent de changer d’ici au remboursement des premiers PGE. Avec l’accumulation des prêts sur une période plus longue, les besoins vont évoluer et plusieurs défis se poseront alors :
- Rester souple et flexible malgré des changements et incertitudes tant dans les dispositions négociées entre l’Etat et les acteurs du secteur qu’en interne.
- Faire preuve d’une grande réactivité pour appliquer les nouvelles règles et de limiter les rejets de dossiers – chaque rejet ajoutant à la charge de travail.
- Sécuriser et réduire les coûts de traitement des dossiers, ce qui passe par une automatisation de la collecte des informations et du processus de déclaration via des progiciels adaptés.
- Mettre l’accent sur l’identification des dossiers rejetés pour traiter en temps et en heure.
Ajoutons que le risque de ces crédits, s’il est circonscrit grâce à la participation de l’Etat, n’est pas négligeable pour autant et les régulateurs craignent une forte hausse des créances douteuses dans les prochains mois. La sortie du dispositif va être difficile, au regard de l’activité économique et du reconfinement : selon une étude conduite par McKinsey et publiée le 20 octobre 2020, cet été, 17% des PME françaises s’inquiétaient de ne pas pouvoir rembourser leurs prêts et plus d’une sur dix craignait de faire faillite dans les six prochains mois.
Plusieurs risques sont donc à prévoir : le début de l’amortissement pourra accroître l’endettement, et la reprise des paiements pour les charges diverses pourront entraîner la défaillance pure et simple des entreprises. Il est donc nécessaire de s’adapter autant que possible, tout en gardant pour objectifs les réductions de coûts associés à la gestion des nombreux dossiers, en étant accompagné par des experts de la collecte d’informations et des processus de déclaration.